Antoine Vitez photographe

autoportrait

« Mon père était photographe de quartier. Les gens venaient chez lui se faire « tirer le portrait ». Ce type de photographie a presque totalement disparu ; maintenant tout le monde fait le portrait de tout le monde ; la photographie est devenue un mode d’écriture rapide, de notation. Moi, j’ai vécu l’époque de l’artisan photographe, seul habilité, seul détenteur de la photographie, seul capable de faire le portrait à la fois exact et embelli que demandait le client.

Mon père, pour l’anniversaire de mes douze ans, m’a offert un appareil Voigtländer 6X9. Puis j’ai eu un semi petit format (c’était une moitié de 6X9) comportant un télémètre couplé avec lequel j’ai pu commencer à faire des mesures de distance. Par ailleurs je me suis initié à la cellule photo-électrique séparée que je portais en bandoulière. Mon père me faisait faire des exercices pour me permettre d’apprécier les distances et la lumière sans cellule. Adolescent, dans ma première période, je photographiais tout : j’ai des milliers de photographies de la vie en 1942-1943, de la vie à la maison, de la Normandie. Je prenais les choses qui m’émouvaient — c’est toujours ce que je photographie d’ailleurs.

Au début de l’âge adulte, j’ai cessé de faire de la photographie ; j’ai vécu loin de mon père, je n’avais plus d’appareil et peu de moyens financiers pour pratiquer cet art. J’ai oublié la photographie.

J’ai recommencé à faire de la photographie vers 35 ans en reprenant ma carrière théâtrale que j’avais interrompue.

Je photographie toujours tout : peut-être plus les gens qu’autrefois. J’ai beaucoup photographié mes amis, ma famille — j’ai énormément pris ma mère ; depuis quelque temps je la photographie pour voir la progression de l’âge et pour la retenir d’une certaine façon.

J’ai photographié beaucoup le théâtre, les spectacles un peu comme un photographe de théâtre en me mettant dans la salle, mais j’ai surtout énormément photographié le théâtre des coulisses. Lors de la dernière tournée de la Comédie-Française avec Le Bourgeois Gentilhomme , j’ai fait des photos des coulisses du théâtre de Séoul, des acteurs avec les machinistes coréens. Je me suis attaché à prendre, pendant les tournées, les mêmes scènes, les mêmes moments du spectacle dans les différents théâtres et leurs coulisses, leurs loges. »

Antoine Vitez,
décembre 1988, entretien avec Chantal Meyer-Plantureux

Commentaire d'un visiteur de l'exposition
Voilà bien qui est intrigant : Antoine Vitez, photographe ? On le savait metteur en scène, acteur et traducteur, mais photographe ?      suite